DBs - Sculptures en argile de vaches sportives
Humour et respect, force et finesse, ethique et sourire : ce blog présente les sports sous un jour tout à fait attrayant. Marie Del Barrio a fait des vaches sportives sa spécialité. Mais ses autres créations (Mains, Grosses,...) méritent également le détour. Bienvenue sur ce blog, ayez plaisir à le visiter au gré des photos illustrées par des textes signés Bernard de Baztan.
EXPOSITION SEPTEMBRE 2019
- présentation de Marie del Barrio et de son oeuvre
- les DBs, la série des vaches sportives
- les expositions, en cours et passées
- la revue de presse
- Bovinogenése
Une artiste, un parcours ...
Marie Del Barrio est sculpteuse.
En fait, pour être tout à fait précis, elle est née artiste, et ce n’est qu’au bout d’un processus personnel de concentration de ses talents qu’elle est devenue sculpteuse.
Espagnole jusqu’au bout de ses cheveux de jais, Donostiarra par atavisme, elle est née avec la sensualité au bout de ses doigts, la curiosité comme conduite, la créativité comme art de vivre, et l’éclectisme comme philosophie.
Surfant sur les vagues de sa vie au gré de ses savoir-faire dispersés, elle a, il y a quelques années, souhaité mettre un peu d’ordre dans ses disciplines d’expressions : sensible avant tout aux frissons que lui procurent ses doigts façonnant la matière, elle a, parmi ses goûts talentueux, choisi celui de sculpter rassemblant ainsi son talent artistique, son goût impulsif de création et son plaisir de donner vie à la matière.
Le talent, le goût, le plaisir : les trois ingrédients de base de la belle ouvrage.
Et pour la technique, quatrième mousquetaire (M4) du bagage de l’artiste complet, Marie Del Barrio est devenue l’élève de Jean-Louis Ricaud.
Le décor était planté, place à l’œuvre : les DBs, sculptures en argile cuite.
Son œuvre initiatique, La Main de l’Ecrivain, a voulu rendre hommage à la poésie qui l’a émue. Puis, subtilement influencée par Dom, son amie, peintre « sudiste » à la notoriété grandissante, Marie del Barrio a choisi de conjuguer l’art et l’humour, son talent et sa culture dans une thématique fédératrice : la vache sportive.
Ainsi sont nées sous ses doigts, au gré de ses humeurs et de ses états d’âme, au gré des rencontres et des vents, ces statures de compagnes de toros, toujours amusantes mais jamais ridicules, s’adonnant aux sports divers : le ski, le golf, le rugby, la boxe, et tant d’autres. Tantôt statiques, tantôt figées au milieu d’un ample mouvement. De la vache passeuse cambérabéresque de l’ovale à la vache « tigresse » au fer 3 nonchalant, Marie Del Barrio nous amène en souriant de stades en fairways. Le sport comme on l’aime, l’art comme on l’apprécie.
Gage de grande qualité, les œuvres de Marie Del Barrio ont été présentées au Musée d’Aquitaine, à Bordeaux, dans le cadre de l’exposition « Le rugby, c’est un monde », inaugurée à l’occasion du coup d’envoi de la Coupe du Monde de rugby exposition qui a rejoint ensuite le mythique temple de Twickenham offrant ainsi à l’artiste une tribune européenne.
Bernard de Baztan
... deux adresses
Si les textes et légendes proposées vous ont séduit ou dérangé, amusé ou laissé de marbre, leur auteur sera heureux de le savoir. Adressez-lui un message à l'adresse email suivante :
bernard.debaztan@gmail.com.
Au plaisir de vous lire.
DB082 – L’âme ailée
L’âme ailée
DB082 – L’âme ailée
DB080 –La boss
La boss
DB081 – La Touche Eiffel
La Touche Eiffel
La série des NaÏves
DB-085 Jeanne
Jeanne
DB083 –Pistache
Pistache
Mona Vaca
DB pourrait signifier Du Bassin pour cette vache peinte aux couleurs de Mona Vana, fière pinasse voguant sur le bassin d'Arcachon. En utilisant la peinture des mythiques Riva qui lui donne cette jaune et soyeuse élégance, Marie del Barrio a définitivement fait de cette DB ... une vedette.
DB087-Mona Vaca
DB084 – Tomate
Tomate
Paquita
DB071 - Paquita
DB070 - Fantômasses
Fantômasses
Jamais rassasiée, Marie del Barrio innove dans le choix des matériaux avec ces fantômes de ciment enduit et laqué sur une structure grillagée. Deux DBs fantomatiques, blafardes, au design à la fois contemporain et art-déco, de quoi donner définitivement le tournis au commissaire Juve. Mais la maréchaussée veille …
DB086 – Mirobolante
Mirobolante
DB079-Maja
Maja
DB064 - Coeur d'airain (bronze)
DB064 - Coeur d'airain (bronze)
DB064 - Coeur d'airain (bronze)
DB064 - Coeur d'airain (bronze)
Cœur d’airain
En choisissant la mêlée de rugby pour thème de son premier bronze, Marie Del Barrio a visé juste. Quoi de plus fort, en effet, de plus courageux, de plus combattant que cet attelage de guerriers unis pour ne faire qu’un. Une mêlée d’airain aussi puissante qu'une arme de soldat des anciens temps, qui part à l'assaut de la gloire que célèbrera une volée de cloches … en bronze.
DB058 - Tangovalie
DB058 - Tangovalie
Tangovalie
DB021 - Charly
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Charly
DB021 - Charly
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DB075 - Swing low
Swing Low
DB071 - Rors
Rors
Retour à la famille des golfeuses pour cette DB à la patine bleutée qui évoque les polos Oakley de Rory McIllroy, le nouveau maître mondial des fairways. Qui d’autre que Rors peut aujourd’hui se prévaloir d’un équilibre aussi parfait en fin de back swing ? Bleu, oui, mais pas rookie. Come on, Rors.
DB076- Tatoo Gagné
Tatoo Gagné
DB077-Tatoo Compris
Tatoo Compris
DB059 - La cage Houx
DB059 - La cage Houx
La cage Houx
DB078-Objectif Lune
Objectif Lune
DB055 - Morante
DB055 - Morante
DB074 - Xistera
Xistera
DB034 - Jojo
Jojo
DB069 - Les Miques
DB069 – Les Miques
Ces miques là sont bien plus affûtées que les boules de farine de nos grand-mères. Il y a Ado, la plus fine, la plus pointue. Il y a Jagger, la plus rock’n roll des 3. Et il y a Mitête, celle qui ne sait plus où elle habite. Ces 3 là sont incomparables quand elles se lancent dans le haka, leur haka, le haka des Miques.
DB068 – Mi-Rakou
Mi-Rakou
Elle a l’air pépère,cette vache tendrement avachie. Mais les ornements rakou sur les pattes et le museau instillent le doute : Mi-Rakou, n’est pas tout à fait ce qu’elle a l’air d’être. Par cette sculpturale métaphore, Marie del Barrio illustre une des règles de base du rugby : méfiez-vous de l’eau qui dort et ne sous-estimez jamais l’adversaire.
Casque d’Or
Avouons que parmi les deux « Casque d’Or » de notre mémoire collective, cette DB au visage marqué de (ra)coups n’évoque pas d’emblée Simone Signoret. Mais plutôt notre flanker national JPR qui un soir d’hiver 83 offrit au chantre Roger Couderc son maillot qui fut blanc, rougi de sang gallois. Une offrande, comme ce ballon rakou que nous offre cette DB.
DB067 – Casque d’Or
DB065 - Croisée
Croisée
DB065 - Croisée
DB065 - Croisée
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DB066 – Golden Bear
Golden Bear
DB066 - Golden Bear
Planchottes
DB048 - Planchottes
DB048 - Planchottes
DB019 - La Mêlée
La Mêlée
DB035 - Ma(o)rie
Ma(o)rie
DB051- Cartouche
Cartouche
DB028 - 3ème mi-temps
3ème mi-temps
Augustine
Augustine, tonique golfeuse dont le regard est aussi fier que le geste est fort, veut davantage que l’amour et l’eau fraîche de l’Evian Masters. Elle veut la veste verte du Masters d’Augusta. Augustine à Augusta, et c’est la révolution assurée chez les confédérés.
Morante
DB062 - Augustine
DB062 - Augustine
DB005 Miss Birdie
Miss Birdie
DB043- Annika
DB043- Annika
Annika
Et v'là Culbuto ...
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DB037 - Hombre !
Hombre !
DB044 – 5 Simon
5 Simon
En créant cette œuvre sœur de 5 de devant, Marie del Barrio révèle sa fascination pour ce monde mystérieux de la mêlée. Pour le pénétrer, elle a puisé à la fois dans la fougue et le détail narratif des Mémoires de Saint Simon et dans la démystification affective vécue de l'intérieur de La Mêlée de Serge Simon. 2 Simon pour un 5 Simon, il fallait au moins ça.
L'air basque a du lui plaire : lors de l'expo Artha 2009, à St-Jean de Luz, 5 de Simon a décidé de rester dans la région.
DB023 Mrs. Try
Mrs. Try
La cage au Léon
DB056 – La cage au Léon
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DB018 - Le Plaquage
Le Plaquage
DB054 – Margot
Margot
DB012 - Laura Davies Like
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Laura Davies Like
Veronica DB036
Veronica
Croquante
DB029 - Croquante
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Battling Jane
DB007 - Battling Jane
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Pomme-pomme girl
A n'en pas douter, Marie del Barrio a déniché là une future discipline pour les Jeux Olympignes : le lancer de pignes de pins (dites pommes de pins hors Gascogne). Art très localisé (comme les orages de grêle), il n'en mobilise pas moins toute une population pour son championnat annuel, en témoigne le sérieux de cette DB lanceuse.
DB043 – Pomme-pomme girl
La Liseuse
DB004 - La Liseuse
DB040 - La lectrice
Big Blue
DB017 - Big Blue
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La lectrice
Manso
Cette DB au corps charnu et au poil gris de Victorino est l’archétype du Bœuf Gras de Bazas qui depuis la nuit des temps défile chaque année à Carnaval dans les rues de la ville au rythme des fifres et des tambours et du battement des échasses sur le pavé. Saisi par l’artiste à son passage devant Castagnolles (la patte sur l’ovale), ce bœuf-là ne concourt plus pour son poids en suif mais pour faire rêver le chaland du persillé de son entrecôte. Par le soin apporté aux cornes fleuries, Marie Del Barrio souligne la fierté du manso (et du Manseau).
Exposition à Bazas
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Revue de presse - Bazas
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Le Républicain, jeudi 7 février 2008
Exposition à Bazas
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Revue de Presse - Sud-Ouest 19/09/08
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10èmes Rencontres de l'Ovale - Pessac - 21 septembre 2008
Revue de Presse - Sud Ouest 22/09/08
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10èmes Rencontres Ovales
BOVINOGENESE (naissance de La Touche, DB016)
la naissance de La Touche
Ca doit ressembler à cet état indéfinissable d’avant la naissance. Le néant précurseur d’une chose en genèse, une promesse d’avènement. Dans leurs diversités de croyances, et dans leurs controverses aussi, les humains passent leur vie à essayer de comprendre. Nous, on ne comprendra jamais, mais c’est bien le même tour de magie qui nous est joué. Nous ne sommes rien et soudain nous sommes exhibées. Nous n’étions rien et nous voilà l’objet de tous les regards. C’est notre destinée, ainsi en va-t-il d’une DB.
Il n’y a rien mais tout est là. Les ingrédients de la recette vivent déjà mais rien ne les relie encore. Je suis un vulgaire tas de glaise, informe, ordinairement gris, inanimé, inexpressif. Je suis une masse de terre. Personne ne me jette un regard, je n’existe pas. Et les choses pourraient en être ainsi pour des siècles.
Mais j’imagine maintenant qu’il devait être écrit quelque part que de ce tas de terre devait jaillir une âme, une vie, une œuvre, une DB. C’est ça la bovinogenèse.
Je ne suis rien, je ne suis qu’un tas d’argile. Je ne suis rien pour personne.
Sauf pour Elle.
Son œil daigne se poser sur moi, sur ma non-formité. Je dis Son œil, avec un S majuscule comme on le dit d’une Altesse parce qu’à cet instant, c’est bien une princesse qui vient me prêter attention, à moi, petite chose de rien du tout. Je ne suis rien et Elle me promet la vie. Je ne suis qu’un tas d’argile et Elle me promet le piédestal.
Elle me jauge, me soupèse, m’évalue, elle m’imagine. Elle me choisit.
Pour cela, elle aura mon éternelle gratitude.
Me voici posée sur un plateau de modelage. Hier, je n’étais rien, gisant au fond de la carrière du Barp. Aujourd’hui, je suis étalée nue sur un chevalet d’artiste, soumise. Je ne suis toujours qu’une grosse boule d’argile, mais je suis l’Elue, nuance. Je n’étais qu’une masse inerte, je suis devenue une promesse. De perdue, mon statut mue vers un statut de statue.
Je m’offre sans retenue à ses doigts dans ma chair. Je me laisse faire, impuissante, volontairement impuissante, fatalement impuissante. Aujourd’hui, je suis un informe tas de glaise, à quoi ressemblerai-je demain ? Qui sait ? Elle sait. Enfin, peut-être le sait-elle. Le chemin des artistes est-il toujours une voie pavée aux bas-côtés éclairés ? Comment voulez-vous que moi, tas de glaise en mutation, j’en aie la moindre idée.
Elle me roule entre ses doigts. Elle me déchire, me divise en deux, en quatre, puis me réunit. Elle me pétrit, me malaxe, m’humecte, me triture, me tripote, m’étire, me repousse, me pince, me caresse, me lisse, me scarifie. De la masse informe du début, s’extirpent sous le travail de ses doigts des bouts d’êtres qui commencent à ressembler à des choses vues : un dos musclé par ci, une jambe galbée par là, un bras élancé encore. J’entends des souffles naissants, une âme qui se bâtit. Et soudain, sa main s’abat lourdement sur mes formes embryonnaires et adieu le dos, adieu la jambe, adieu le bras. Retour à la case masse informe, je me crois revenue dans les glaises anonymes du Barp. Pas encore née et déjà morte. Mes espoirs ne devaient-ils donc n’accoucher que de cette angoisse ?
Mais voilà que ses doigts reprennent comme des somnambules leurs gestes de créateurs. Guidés par l’inspiration, l’instinct de l’instant, le duende, ils dessinent avec mes creux, mes bosses et mes plis ce que je serai demain : une œuvre d’art. A cet instant, je pressens qu’elle donne à ses doigts la force de ce qu’elle est, la force de ce qu’elle sait. Une improbable synthèse de sa sensibilité, de son goût des matières, de ses racines, de son esprit et de ses esprits (au sens africain), de ses appartenances. Elle sait ce qu’elle veut faire de moi et moi, je n’en ai pas la moindre idée. Ca n’a d’ailleurs aucune importance, je me laisse charcuter en toute béate confiance. Tout plutôt que redevenir une argile gluante gisant au fond d'une carrière.
Ses mains me façonnent, m’élaborent, me peaufinent, me proportionnent. Son scalpel entaille mes chairs pour y révéler des mufles carrés aux accents cubistes. Ses doigts prennent la douceur du pinceau pour fignoler ma peau tannée. Je suis devenue un être à têtes multiples, une hydre sympathique. Je suis trois. Je suis un sauteur et deux porteurs. Je n’étais qu’une terre grise, je suis devenue une composition.
Elle donne à la matière les dernières touches, celles du réalisme de l’œuvre. Les détails. Quel chemin parcouru depuis les heures de la matière grossière jusqu’aux instants des détails. Le mufle soufflant et ahanant sous l’effort, les « mains » des porteurs enfoncés dans la graisse du sauteur, la dynamique, l’élan, le mouvement.
Ultime geste, comme on dépose la cerise sur le gâteau : elle fixe au sommet de mes êtres l’objet de nos combats : le ballon, la beuchigue, l’ovale.
Je suis devenue une œuvre vivante. Je m’éveille à la vie, mollement.
Je me crois sortie d’affaire, toute fière d’avoir quitté mes bas quartiers de carrière mais, semble t-il, il me reste encore à apprendre qu’il faut souffrir pour être belle. Ses doigts qui me façonnaient à ma guise se mettent soudain à fouiller mes entrailles et à me vider de ma chair, de ma glaise, de ce qui faisait mon corps. Qu’ai-je donc fait pour mériter cet outrage ? Jamais, dans ma vie antérieure pour autant que je l’imagine puisque je n’étais rien, jamais je n’avais été traitée de la sorte. Il arrivait qu’il pleuve jusqu’à me rendre aussi luisante que glissante, qu’il gèle à me rendre dure comme un caillou, que le soleil de juillet m’assèche jusqu’à me donner des airs sahéliens, mais jamais je n’avais connu telle torture. N’ayant plus que la peau et les os, façon de parler, je me sens si molle que le moindre souffle m’aplatirait sur le chevalet comme une vulgaire bouse de la vache que je ne suis pas encore.
Et le pire est à venir.
Avec ménagement tout de même, elle me dépose sur un plateau à clayettes, en prenant soin de ne pas me briser, bien au fait de ma fragilité. Elle me déplace aussi précautionneusement que si j’étais une prématurée. Mais, après tout, ne le suis-je pas ? Dans ma torpeur prénatale, j’aperçois le croquemitaine : M. Dubois. Ni une ni deux, le croquemitaine m’agrippe et hop ! au four ! Après m’être petit à petit éveillée aux douces choses de la vie au point de croire avoir touché un paradis, me voici plongée dans les feux de l’enfer ! C’est beaucoup pour une apprentie vivante qui hier encore n’était qu’un tas de terre. En réchapperai-je ? Cette fois, me dis-je, je suis cuite. J’ai du le penser si fort que le croquemitaine m’a aussitôt retirée du four en affirmant : elle est cuite. Mais lui, l’a dit avec un large sourire. J’ai compris alors qu’il fallait que j’en passe par là pour me débrouiller dans la vie, un rite initiatique, le bwiti des tas de glaise. Et j’en sors endurcie.
Je suis née, je me sens vivante, énergique, animée, rugbystique. Moi, ça me convient parfaitement. Rendez-vous compte, hier je n’étais qu’une glaise anonyme de carrière, je suis aujourd’hui une œuvre d’expression. Mais elle ne s’en satisfait pas. Il faut aussi que je sois belle. Elle me patine, elle me pare, elle m’astique, elle me fait reluire. D’une patine assurée, elle me vêt de bronze. Non seulement je suis née, mais me voici baptisée. Sur les fonds baptismaux imaginaires, je deviens La Touche, nom de code DB016. Vous m’en direz tant.
Elle m’emballe délicatement dans du papier bulle et me dépose tout aussi délicatement dans le silence feutré d’un carton à chapeaux. Pour moi qui jusqu’alors n’avais connu que les coups de pioches et les bruits menaçants des tractopelles, c’est un tout autre univers. Je passe de l’émeri à la soie. Je suis chouchoutée, bichonnée, protégée, emballée. On tient à moi, aujourd’hui, je suis devenue une ambassadrice. J’en jubile.
La lumière m’aveugle quand elle m’extirpe du carton à chapeaux. Elle ôte mes oripeaux de transport et m’installe finalement sur mon piédestal, celui auquel j’étais destinée, au milieu de l’exposition. Je suis dans l’arène, j’en suis la reine. Mon cœur se met alors à battre, et c’est la première fois que je prends conscience d’avoir un cœur. J’étais un tas de glaise inerte, je suis La Touche, un être vivant, une DB, la plus belle des DB, la plus …, la plus …, la plus, quoi.
Je trône sur mon trône au centre de l’exhibition, je suis La Touche, je suis celle que tout le monde regarde, admire, je suis LA Touche qu’on veut toucher. Je suis née, je suis forte, je suis belle, je jouis de gloire sous les projecteurs et je crois bien que je saute vers le ballon plus haut que personne n’a jamais sauté.
D’un amas de terre arraché du fond d’une carrière, je suis, par la magie de la bovinogenèse, devenue une œuvre d’art respectée. Les humains n’ont pas fini d’alimenter leurs disputes pour essayer de comprendre comment ils sont devenus ce qu’ils sont à partir de moins encore qu’un tas de glaise. Mais nous, les DB, nous savons que nous ne comprendrons jamais. Et c’est très bien comme ça. Un jour, nous sommes une terre parmi la terre, anonyme et insensée. Et le lendemain, nous sommes une œuvre vivante, animée par la magie de Sa création. Tant qu’Elle nous donnera vie et veillera sur nous, rien ne saura nous atteindre. Et pour cela, je suis prête à sauter plus haut, toujours plus haut, pour attraper ce ballon ovale, notre Graal. Pour ne jamais revoir les glaises grises et tristes de la carrière.
Bernard de Baztan
Séoul, 7 octobre 2008